Contrats-cadres : la grande (dés)illusion

Le bon fonctionnement de la copropriété nécessite des opérations de maintenance régulières, telles que le contrôle des blocs de secours, des extincteurs, des trappes de désenfumage, ou encore le nettoyage des circuits de VMC.

Le syndic mandate des entreprises pour ses missions avec des contrats de maintenance, qu’on nous présente comme avantageux car négociés nationalement via des contrats-cadres. Il semblait logique que des accords au niveau national, donc en volume, avec des sociétés renommées dans tout l’hexagone, devaient être garants de qualité de service et de prix ajustés.

Je l’ai longtemps cru, jusqu’à ce que, ces dernières années, ma curiosité d’ingénieur me fasse regarder par-dessus l’épaule des intervenants dans nos locaux, et perdre mes illusions...

Voici quelques cas illustrant que les copropriétés s’apparentent, pour certains, plus à des pigeonniers qu’à des résidences.

VMC ou les devis qui ne manquent pas d’air

Ce cas est le plus emblématique de la vulnérabilité des copropriétés faces aux entreprises peu scrupuleuses lorsqu’il n’y a pas de compétences de contrôle sur site.

Il y a quelques années, 5 appartements se sont plaints d’humidité persistante dans leur salle de bain, faute d’une aspiration suffisante. La société en charge de la maintenance à l’époque, que nous appellerons DDD, préconisait de mesurer les dépressions de toutes les bouches de VMC des deux bâtiments, ce qui fut fait.
A suivi la réception d’un rapport avec la conclusion qu’il fallait changer toutes les bouches de VMC, accompagnée de deux devis, l’un à 13 050 € et le second à 24 818 €, la différence dépendant du type de matériel.

Sans aucun problème d’aspiration dans mon logement ou celui que je loue, je m’étonnais de la nécessité de devoir changer 234 bouches de VMC pour régler le problème de 5 salles de bain. J’ai donc demandé à DDD de me fournir les relevés des mesures.

Il m’a fallu pas mal de temps pour exploiter ce document où les numéros d’appartement étaient remplacés par les noms approximativement inscrits phonétiquement avec des FIGIEL devenu GIGIEL, ou encore DEGETERA qu’il fallait traduit en DE GEYTERE.

Une fois débarrassé de ma tenue d’égyptologue, et entré le tout dans une feuille Excel afin d’avoir une représentation géographique des mesures, j’en ai déduit immédiatement que le problème n’était pas global, mais localisé sur des colonnes en extrémité des bâtiments. L’encrassement des tuyauteries par manque de nettoyage pénalisait l’aspiration, notamment au niveau des T3 où les sections sont réduites.
En un mot, mettre près de 25 000 € pour changer toutes les bouches n’aurait rien amélioré. Mais avec un nettoyage des colonnes en même temps, solution du problème, on aurait peut-être pu nous le faire croire...

Au passage, figuraient dans le relevé des mesures, des valeurs négatives démontrant une certain manque de maitrise du technicien, car cela signifiait que l’air n’était pas aspiré mais soufflé dans l’appartement, ce qui est impossible.

Les problématiques de ventilation n’étant pas ma spécialité, j’ai fait part de mes doutes au syndic et nous avons demandé une expertise. Nous sommes allés dans les combles, j’ai fourni mon tableau, et mes hypothèses ont été confirmées.

Retour vers DDD pour signifier la rébellion des pigeons, et venu d’un dit « expert » qui prescrit un nettoyage des horizontaux et des 36 colonnes, et l’exécutera plus tard.

Pas de chance pour cet « expert » : j’étais présent le jour de son intervention. Dès le matin, je l’ai laissé seul dans les combles mais, à l’oreille, bien que présent dans le couloir du 4eme étage ou dans mon appartement au 3eme, je savais ce qu’il faisait et surtout, ce qu’il ne faisait pas.

Vers midi, il terminait le bâtiment B et attaquait le A, nettoyé en une demi-heure ! Explication ? « Il était moins sale » ! Sur qu’au bâtiment A, l’air doit être plus pur et chargé de moins de poussière qu’au B !

Lorsqu’il est descendu des combles du bâtiment B, il disait avoir tout nettoyé. Plus tard, en le « cuisinant » un peu car je n’avais pas entendu le « hérisson » descendre dans les verticaux, « certaines colonnes au fond » n’avaient pas pu être faites. Et pour finir, après le nettoyage express du bâtiment A, au volant de son véhicule, il m’a avoué n’avoir fait que les horizontaux et changé la courroie... Et oui, il ne devait pas être habitué que quelqu’un contrôle ses actions et les critique.

Ce n’était vraiment pas son jour car, au moment de partir, j’ai dû le rattraper par la manche car le caisson du bâtiment B vibrait tellement fort qu’on l’entendait au rez-de-chaussée ! Le bruit a cessé après son passage derechef au « 5eme » mais nous avons très mal dormi la nuit suivante avec le caisson qu’il s’est transformé en diesel froid.

Les yeux pas forcément en face des trous après cette nuit très sonore, j’ai examiné le caisson : il avait été calé avec un morceau de laine de verre... Quel professionnalisme ! C’est vrai que ce caisson est difficile à stabiliser. J’ai mis des jours à parvenir à trouver où mettre les pressions afin qu’il se fasse oublié. C’est pour cela que je tiens à être prévenu lorsqu’une intervention dessus est prévue.

La totale perte de confiance en cette société et les manquements avérés m’ont amené à demander de casser le contrat de maintenance avant son terme, et de choisir une société locale et non de la région parisienne, celle dont le directeur était venu pour l’expertise, et qui m’avait semblé professionnel lors de nos échanges techniques.

Chat échaudé craignant l’eau froide, j’ai accompagné de A à Z les premières interventions de ce nouveau prestataire. Il a fallu deux jours pour remettre les choses en ordre et évacuer des années de poussières accumulées.

DDD ne faisait pas les prestations contractuelles et cherchait à vendre des travaux non nécessaires, faciles à faire et bien juteux financièrement parlant. Elle profite de « l’ignorance » technique de ses clients pour les duper.

Récemment, lors d’une rencontre avec le président du Conseil Syndical d’une résidence du Compiégnois, j’ai exposé ma défiance envers les contrats-cadres en citant notre mésaventure comme exemple. Egalement homme de technique attentif, il a eu la même démarche que moi, rencontré le même problème que nous, et de plus avec la même société qu’il a également virée...

Nous avons pu nous débarrasser de cette entreprise, sans trop de réticences exprimés du syndic, devant l’avalanche de faits négatifs présentés. Toutefois, je crois savoir que la rupture ne concerne que nous c’est-à-dire que DDD est toujours dans le catalogue des contrats-cadres du syndic.
Ceci parfait ma défiance envers les sociétés présentées contrats-cadres et entame beaucoup ma confiance en notre syndic.

 

L'appel à l'aide des blocs de secours

Sur le podium des sociétés déficientes, la première marche revient à l’entreprise dont les exploits ont été décrits ci-avant. Ma vigilance sur d’autres sociétés a également révélé des manquements qui ont conduit à s’en séparer.

Examinons celles présentes sur la deuxième place du podium, que nous nommerons BB, chargée de la maintenance des blocs de secours – familièrement appelés BAEH - et de leur remplacement le cas échéant après des années de bons et loyaux services.

Pour les raisons que j’ai décrites dans l’article Remplacement des BAEH  à la rubrique travaux, il a été demandé à ce prestataire, la mise en place d’un modèle bien précis lors du changement d’un bloc défectueux. Systématiquement, je retrouvais dans nos couloirs des modèles différents et systématiquement, je demandais le respect des consignes données, obligeant un nouveau passage d’un technicien.

Le surplus de déplacement représente un coût pour l’entreprise qui plus est, venait de région parisienne. Un simple examen de notre dossier avant intervention aurait pu leur faire éviter des frais, et m’épargner des demandes de correction.

La goutte d’eau qui a fait déborder le vase de ma patience, s’est écoulée après le remplacement de 8 BAEH. Intrigué de ne pas voir une loupiotte briller pour signaler que l’appareil fonctionne, j’ai consulté sa notice technique et constaté que mon doute était fondé.

Un examen des tripes de l’appareil a révélé qu’il n’était pas correctement branché. Plutôt que de rappeler une nouvelle fois BB, j’ai préféré en finir en sortant mon tournevis et en câblant correctement les 8 blocs avec l’intention de ne pas renouveler le contrat de cette société spécialisée dans les boulettes à répétition.

A pris le relai, une petite société locale, performante, professionnelle et beaucoup moins cher.

Portail en manque de toubib

2017 a été une année difficile avec des sabotages récurrents du portail arrière, qui comme celui côté avenue, est essentiel pour notre sécurité. Manifestement, nous étions visés avec des intentions assurément non positives, nous mettant dans l’obligation de condamner l’entrée avec une chaine. Le Clos n’a jamais aussi bien porté son nom.

Au sentiment d’être un peu en état de siège, s’ajoutait notre désarroi d’avoir été abandonné par notre syndic via une gestionnaire attitrée aux abonnés absents pendant des semaines.
A cette inertie pour user d’un euphémisme, s’est ajouté celle de la société d’échelle nationale en charge de la maintenance qui ne semblait pas saisir l’urgence de faire les réparations, en mettant des semaines à les chiffrer.

Las de ses manquements là aussi récursifs, j’ai demandé de faire appel à une société locale beaucoup plus réactive. Une demande d’intervention le lundi matin était chiffrée rapidement, soldée le mardi midi alors que nous recevions seulement le vendredi le devis de l’entreprise titulaire du contrat de maintenance, avec une facture doublée qui plus est.

Moralité...

On peut admettre qu’un syndic n’ait pas les capacités techniques pour juger du bienfondé d’un devis. Toutefois, monter des contrats-cadres avec de tels établissement laisse à penser que le syndic défend des intérêts qui ne sont pas les nôtres.

Un biais réside déjà dans le fait que le syndic se rémunère avec un pourcentage sur le montant des travaux facturés. Il sera peu enclin à limiter le nombre de travaux ou à trouver des solutions économiques.

J’essaye toujours de travailler en partenariat avec les entreprises. C’est un deal gagnant-gagnant.
L’expérience me laisse à penser que plus les échanges entre techniciens sont aisés, plus la société est honnête. Celles qui redoutent et fuient une expertise locale semblent contrariées de ne pas pouvoir avoir les mains libres pour tromper son monde. Il en va de même quand un syndic s’évertue à limiter les relations directes entre les entreprises et la copropriété.

 

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